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CORONAVIRUS FRANCE – ETAT D’URGENCE – CONFINEMENT TRIBUNAUX – DELAIS – MEDIATION ORDONNEE PAR LE JUGE – MEDIATION 

Introduction : nous nous référons à l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 prise en application de la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 (la Loi d’urgence) est relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (l’Ordonnance 2020-306). 

L’alinéa 1 de l’article 4 de la Loi d’urgence dispose que : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. »

La Loi d’urgence est entrée en vigueur le 12 mars 2020, car l’article 22 prévoyait son application immédiate. L’état d’urgence a débuté le 12 mars 2020. Cette date marque également le point de départ la période juridiquement protégée (PJP). L’article 1 de l’Ordonnance 2020-306 dispose en effet que la PJP se terminera à « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée ». La Loi d’urgence a été publiée le 23 mars 2020. La PJP durera donc jusqu’au 23 juin 2020 inclus, sauf prolongation de l’état d’urgence sanitaire. Il convient de se reporter également à la lecture de la Circulaire de présentation de l’ordonnance du Ministère de la justice du 26 mars 2020, d’application immédiate (Circulaire du 26 mars 2020), pour apprécier le fonctionnement de la prorogation ordonnée.

Pour limiter les conséquences des mesures de limitation de la propagation du covid-19, un certain nombre d’ordonnances ont été prises et les différents décrets publiés.

Plan : nous présentons plusieurs fiches explicatives

  • du sort de la médiation ordonnée par le juge (fiche pratique n°1) et
  • de l’intérêt d’aller en médiation conventionnelle compte-tenu des adaptations faites aux délais des actes prescrits par la loi ou certaines clauses conventionnelles (fiche pratique n°2),
  • des incertitudes en matière d’application de la force majeure ou de l’imprévision (fiche pratique n°3) et
  • de l’agilité de la médiation en ligne (fiche pratique n°4). 

Le sort des délais de médiation (et conciliation) ordonnée par le juge – principe : il est régi par l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306 qui dispose :

« Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période :
1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° (…) 3° (…) 4° (…) 5° (…)

(…) »

La PJP va donc avoir une incidence sur les délais de médiation judiciaire qui expireront entre le 12 mars 2020 et la fin de la PJP, soit à ce jour le 23 juin 2020. La date est elle-même mobile et dépend de celle à laquelle prendra fin l’état d’urgence, et donc la PJP.

  • Exemple 1 : une médiation judiciaire prononcée avant le 12 mars 2020 pour 3 mois expire pendant la PJP.
  • Exemple 2 : une médiation judiciaire de 3 mois avait été renouvelée avant le 12 mars 2020 pour une période (3 mois maximum) qui expirera après le 12 mars 2020.

Autrement dit, toute mesure de médiation judiciaire dont le terme vient à échéance au cours de la PJP (soit à ce jour au 23 juin 2020) sera prorogée de plein jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période (soit à ce jour jusqu’au 23 août 2020).

Le sort des délais de médiation (et conciliation) ordonnée par le juge – différence d’avec les délais de procédure : en matière de médiation, à la différence des délais de procédure visés à l’article 2 de l’Ordonnance 2020-206, le cas d’un délai qui aurait commencé de courir avant ou après le 12 mars 2020 et qui expirerait après la fin de la PJP n’existe pas.

En effet, compte-tenu du confinement des juridictions, aucun renouvellement de mesure de médiation judiciaire ne sera prononcé après le 12 mars 2020. En conséquence, à supposer une médiation judiciaire dont le renouvellement a été prononcé au plus tard le 11 mars 2020 pour la durée maximale additionnelle de trois mois, sa durée expirera au plus tard le 11 juin 2020, et donc pendant la PJP. Ladite mesure de médiation bénéficiera de la prolongation de plein droit ouverte par l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306.

Le sort des délais de médiation (et conciliation) ordonnée par le juge – inapplicabilité de la prolongation ordonnée : aucune prolongation ne sera possible s’agissant du délai en matière de médiation judiciaire qui a déjà expiré le 12 mars 2020.

  • Exemple 1 : une médiation judiciaire de 3 mois a expiré avant le 12 mars 2020 sans avoir été avant cette date renouvelée.
  • Exemple 2 : une médiation judiciaire de 3 mois avait été renouvelée pour une période (3 mois maximum) qui a expiré avant le 12 mars 2020.

Les délais étaient, en effet, épuisés avant l’ouverture de la PJP.

Le sort des délais de médiation (et conciliation) ordonnée par le juge  – point de contradiction : reste une interrogation toutefois, le dernier alinéa de l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306 disposant que :

« (…) Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020. »

La Circulaire du 26 mars 2020 précise que prorogation de plein droit ne prive pas le juge ou l’autorité compétente qui a prononcé la mesure avant le 12 mars 2020 de la modifier ou d’y mettre fin. La prolongation dite « de plein droit » ne s’applique donc pas au juge.

Le sort des délais de médiation (et conciliation) ordonnée par le juge – quid de la médiation administrative: l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 (Ordonnance 2020-304) porte adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété. Son article 2 dispose :

« I. – Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale.
II. – Par dérogation aux dispositions du I :
1° (…) 2° (…) 3° (…). »

La médiation administrative ne figure pas parmi les exclusions d’application de l’Ordonnance 2020-304. Par ailleurs, en matière de délais de procédure (article 2 de l’Ordonnance 2020-306), précision est apportée que la prorogation ordonnée s’applique aux procédures devant les juridictions judiciaires (par opposition aux juridiction administratives – Tribunal Administratif, Cour Administrative d’Appel et Conseil d’Etat) statuant en matière non pénale. Rien de tel s’agissant de prorogation des délais en matière de mesure de médiation (sans autre précision), de sorte que l’on peut se demander si la prorogation ordonnée par l’article 3 l’Ordonnance 2020-306 s’applique aussi aux médiations ordonnées par le juge administratif.

Il en est d’autant plus ainsi que ledit article 3 se situe dans le Titre I de l’Ordonnance 2020-306 intitulé « Dispositions générales relatives à la prolongation des délais », et que s’agissant de médiation ordonnée par le juge, aucune distinction n’est faite entre le juge judiciaire ou administratif, le Titre II intitulé « Autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative » traitant d’autres sujets.

Enfin, la Circulaire du 26 mars 2020 s’interroge sur le sort des « mesures administratives ou juridictionnelles » qui ont été prononcées avant le 12 mars 2020. La médiation administrative paraît donc couverte par les dispositions de l’article 3 de l’Ordonnance 2020-306.


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