Ressources humaines: la médiation au service de(s) relations (plus) humaines


Le climat n’est pas toujours au beau fixe entre les différents acteurs de l’entreprise. Et lorsque les relations se dégradent, la rupture apparaît parfois inévitable. Dans bien des situations pourtant, les techniques de la médiation peuvent constituer une voie de sortie du conflit. Mais DRH, représentants du personnel, comme salariés méconnaissent bien souvent le processus, alors même que dans le contexte actuel, la médiation semble constituer un outil d’avenir. Nous faisons le point avec Pierre Beretti, médiateur et ancien DRH.

La médiation en entreprise : qu’est-ce que c’est ?

Les conflits sont inhérents aux relations humaines. Ils sont même salutaires pour exprimer des désaccords, des différences de points de vue. Il ne s’agit donc pas de les éviter mais de les gérer efficacement, surtout ceux qui dégénèrent en ruptures relationnelles, en dégradation de climat et en dysfonctionnements coûteux. Il peut s’agir de conflits entre deux responsables hiérarchiques, entre deux salariés, entre deux équipes, entre un salarié et son responsable, ou entre une direction et des représentants de salariés. La médiation est un outil de gestion des conflits : l’intervention d’un médiateur va consister à favoriser la reprise d’un dialogue dépassionné entre les parties afin qu’elles puissent identifier et mettre en œuvre des solutions et retrouver une relation professionnelle apaisée et efficace. La volonté des parties de sortir de relations dégradées est bien évidemment nécessaire pour le succès du processus. Le talent du médiateur pour conduire les parties dans un processus de recherche de solutions est aussi une clé de réussite.

Comment engager la procédure de médiation ?

Les prescripteurs d’une intervention dans l’entreprise peuvent être un dirigeant, un DRH, un représentant du personnel, ou encore un salarié en souffrance qui sollicite un soutien pour résoudre un différend avec un collègue ou un responsable hiérarchique (disposition prévue dans l’ANI sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010, art. 4.2).

Le plus simple est de s’adresser à une association de médiateurs professionnels telle que le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP) qui propose un choix de médiateurs expérimentés et si besoin spécialisés dans des situations comparables à celle qu’il convient de résoudre.

Quelle est la durée moyenne d’une médiation ?

La durée d’une médiation varie suivant les situations et les parties impliquées, mais en moyenne elle n’excède pas deux à trois mois et représente une quinzaine d’heures de réunions (statistiques CMAP). La médiation peut réunir ensemble toutes les parties pour favoriser la communication mais il est également possible pour le médiateur de recevoir chaque personne séparément afin de mieux comprendre les points de blocage.

Et son coût ?

Le coût de la médiation reste très modéré au regard du coût d’un processus judiciaire mais également au regard du coût des dysfonctionnements générés par un conflit. Les associations de médiateurs professionnels proposent des barèmes soit à l’heure soit sur la base d’un forfait lorsque la situation le permet.

Quels sont les avantages de la médiation ?

Le premier intérêt est de montrer aux salariés de l’entreprise que les situations de conflit qui génèrent des souffrances au travail ou des dysfonctionnements coûteux sont prises très au sérieux et que des solutions sont proposées pour les résoudre. C’est d’ailleurs une obligation de prévention qui doit conduire l’employeur à s’assurer de la santé de ses salariés (v. l’ANI précité).

Le deuxième bénéfice qui me semble essentiel est de recréer des relations qui s’étaient dégradées, voire rompues, entre des personnes qui ont finalement découvert qu’il était possible d’en sortir. Lorsqu’un dirigeant ou un DRH fait appel à un médiateur une première fois et qu’il voit le résultat, il est fréquent qu’il sollicite plus naturellement ce type d’intervention par la suite. Dans plus de 70% des situations traitées par la médiation, les parties prenantes arrivent à un résultat qui les satisfait.

Je pense que c’est une belle façon de remettre de l’humanisme au cœur d’une organisation.

Pourquoi n’est-elle pas plus utilisée ?

Il est habituel de considérer qu’un manager ou un DRH est le plus apte à gérer et résoudre les conflits. Or ce n’est pas toujours ce qui se passe dans la réalité. On l’observe notamment par l’importance prise par la gestion des risques psychosociaux et les modalités mises en œuvre pour les traiter.

La résolution de conflits qui s’enlisent nécessite des compétences et un savoir-faire bien spécifiques, auxquels ni les managers, ni les DRH n’ont été entraînés. Ce qui fait la spécificité du médiateur c’est sa posture d’impartialité, de neutralité, d’indépendance et de confidentialité. Il s’adresse à des personnes hors de tout statut, sans jugement ni parti pris, sans contraindre ou imposer, pour les conduire progressivement à imaginer des solutions raisonnables et applicables par eux-mêmes. C’est en gagnant la confiance des parties que le médiateur leur permet de trouver le chemin vers des solutions. Pour les DRH, l’intervention d’un médiateur peut laisser penser qu’ils n’ont pas su faire.

Je comprends bien cette résistance ayant été moi-même dans cette situation. Mais depuis que j’ai découvert la rigueur, l’efficacité et les bienfaits de la médiation, je regrette de ne pas y avoir eu recours plus tôt, dans des situations que j’ai encore en mémoire pour lesquelles cela aurait apporté de bien meilleures solutions.

Par exemple ?

Je pense notamment à deux dirigeants qui se partageaient deux grandes zones géographiques mais avec plusieurs clients communs. Leurs relations se sont dégradées au fil du temps au point de devenir très tendues. À aucun moment nous avons pensé faire appel à un médiateur alors que cela aurait été la réponse la plus appropriée pour désamorcer les malentendus et les incompréhensions accumulées. Nous finissions par croire que le conflit était inévitable du fait de l’organisation. C’était une erreur !

Quel avenir pour la médiation professionnelle selon vous ?

Je pense sincèrement qu’il est immense ! Les organisations sont en profonde et rapide évolution. Tous les repères traditionnels volent en éclat. Les temps et les lieux de travail sont devenus très diffus du fait des nouveaux outils propices à la mobilité. Le digital et l’intelligence artificielle bouleversent les façons de travailler, de créer et de coopérer. Les nouveaux modes de management reposent de plus en plus sur la responsabilité et l’autonomie de chacun. Ces transformations génèrent des craintes et des tensions.

je propose aux entreprises de sensibiliser et meme d’initier les Responsables RH et les managers aux techniques de base de la mediation pour traiter des situations de conflit qui peuvent facilement être désamorcer.

Certaines grandes organisations commencent très timidement à mettre en place des médiateurs internes pour gérer les conflits entre salariés. C’est souvent à la suite de crises graves (« burn-out », suicides de salariés) qu’elles ont ressenti la nécessité d’agir. Ces solutions internes sont très efficaces pour certains types de conflits. Elles sont plus difficiles à mettre en œuvre pour des conflits impliquant notamment un responsable hiérarchique ou des groupes de personnes. Dans ces cas-là, il est utile de faire appel à un médiateur externe, ou d’instituer une co-médiation (un médiateur interne et un externe), qui offre une garantie plus grande d’impartialité, de neutralité sans lesquels la confiance des parties au conflit est difficile à gagner.

Par Pierre BERETTI, Coach, Médiateur certifié CMAP


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